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LA MACHINE DE 1975 A 1978
par Marc MANOUKIAN



Au 1er niveau se trouvait ce que l’on m’avait dit être une chaudière hors d’usage. D’après le témoignage lu sur ce site il s’agissait d’un bouilleur. Ce qui semble plus cohérent, puisque lors des missions en mer, il fallait se contenter de la capacité de la soute à eau. Un peu limite pour dix jours de mer.

Descente (sans poser les pieds !) vers le 2ème niveau par l’escalier face au tableau électrique.

Derrière le tableau électrique, le local atelier des electriciens. Ils y passaient leur quart. Un endroit tranquille pour sommeiller la relève.

Coté bâbord les cuves à huiles usagées et recyclées à l’aide du « sharp ? sharpple ? ». C’était une sorte de centrifugeuse, faite d’un empilage de plusieurs « bols » tronconiques. Son nettoyage se faisait au gasoil. On enlevait l’ensemble des « bols », les nettoyait un par un et les rempilait dans leur ordre bien précis. Travail plutôt désagréable que personne ne souhaitait se voir confier. La densité de l’huile était encore évaluée avec les montures à billes. Après la cuve à huile usagée, il y avait le compresseur principal. De type piston à étage et entraîné par un moteur electrique. Il chauffait vite, faisait beaucoup de condensation et nécessitait d’être purgé et arrêté très souvent. Il devait remplir six réservoirs d’air, 3 à bâbord et 3 à tribord placés au-dessus des auxiliaires Atlas impérial. Ce pauvre compresseur avait bien du mal a assurer ses fonctions. Notamment lors des postes de manœuvre pour le lancement des moteurs principaux très gourmands en air comprimé. Il nous est d’ailleurs arrivé un jour, d’apostropher la passerelle, qui avait apparemment bien du mal accoster, pour lui dire que de se décider car nous ne pourrions plus lancer les moteurs ! !

Chaque moteur principal entraînait également un compresseur auxilliaire, situé au bas de la turbosoufflante. Mais sans résultat. Et je n’ai vu personne en mesure de les réparer.

Coté tribord au 2ème niveau, il y avait l’atelier mécanique et devant, un groupe électrogène à moteur diesel GMC 6 cylindres à démarreur electrique. Ce groupe n’était utilisé qu’à quai. A Djibouti, la température de l’air autour de ce groupe montait à 65°. Il en souffrira et pour le conserver en état, il sera remplacé par un groupe électrogène mobile prêté par l’armée de l’air.

Enfin au 3ème niveau, les moteurs principaux, les auxiliaires, le groupe pompe à incendie et un dernier petit moteur diesel 4 cylindres Mercedes qui servait aussi, me semble t-il de pompe à incendie.

Les moteurs principaux. Fairbanks diesel, 5 cylindres indépendants en ligne, 2 Temps alimentés chacun par une turbosoufflante. Moteurs lents sans réducteur, réversibles.

Comme il a été dit, il fallait les préchauffer (avec un auxiliaire Atlas) environ 3 heures avant de pouvoir les lancer. Le lancement était un peu délicat, très au feeling et à l’oreille. Sur le moteur tribord que j’avais en charge, la pompe à gasoil était « capricieuse ». Pour les manœuvres, l’on ôtait une des ces trappes de visites (à côté de son volant sur une photo), et j’y rentrai ma main pour agir sur son arbre d’entraînement au lancement du moteur ! ! Très au feeling ! Juste quand il fallait ! ! !

Nous avions très souvent des problèmes de segments qui cassaient. Il fallait alors déculasser, si l’état de la mer le permettait. Les culasses pesaient 250kg. Pour débloquer les énormes écrous, debout sur la culasse (souvent assez chaude) nous maintenions une sorte de clef à pipe avec un pied et nous utilisions une masse. Puis, soulever et poser au sol la culasse à l’aide de 3 palans. Déposer les trappes de visites de bas moteur, virer le moteur pour pouvoir désaccoupler le chapeau de bielle, sortir le piston avec un palan, changer les segments et tout remonter.. Pour le resserrage de la culasse, pas de clef dynamométrique ! un bon coup de masse bien senti et le tour était joué ! ! Et tout çà dans le mouvement de la vague ! Alors quand on venait vous réveiller pour le quart de 0 à 4 ou de 4 à 8 et que l’on vous annonçait des segments cassés… !

Les auxiliaires Atlas : situés à l’avant du compartiment machine à bâbord et à tribord, ils avaient deux fonctions principales : groupe électrogène (en mer ou à quai) et motopompe. Et ils servaient aussi pour le préchauffage des moteurs principaux.

Démarré à l’air comprimé, il fallait ouvrir les robinets de purge d’air, virer le moteur avec un levier pour trouver le point d’enclenchement d’une soupape de lancement. Puis ouvrir la vanne d’alimentation d’air, et quand le moteur tournait pour de bon, augmenter l’alimentation de gasoil, refermer la vanne d’air et refermer les robinets de purges. C’était pas non plus évident au premier coup ! !

Les quarts à la mer étaient assurés par tiers et rarement par quart. 3 à 4 matelots ou QM, 1 électricien et 1 sous officier mécanicien ou électricien. En vrai le sous officier n’était pas toujours présent et parfois même encore dans sa bannette ! ! ! En zone chaude, on restait sous le dernier escalier face à une bouche d’aération, sauf quand le vent tournait et nous renvoyait les fumées d’échapement. Pour faire les relevés de températures et pressions, il fallait grimper sur les culasses des moteurs et cette tache était dévolue aux nouveaux embarqués, évidemment.

J’ai moi connu aussi ces nettoyages de collecteurs échappement qui laissaient des traces noires pendant des jours, ces bouchonnages à l’étoupe en vue de la visite de l’amiral. Ces endroits inaccessibles de la cale que l’on ne devait surtout pas oublier de nettoyer et ces enchevêtrements de tuyaux desquels on se demandait si l’on pourrait sortir. Mais, qu’est ce qu’un amiral pouvait avoir à en faire de la cale d’un pétrolier Lac Tonlé Sap ?

Enfin, la suie des échappements aura servi une fois de « crème du corps », ce sera le 14 juillet 1976 lors du passage de l’équateur en direction des Comores…

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